cette troisième figure poursuivit cette même quête à travers les chemins de la spiritualité. Le 24 juillet 1999, elle nous quitta en nous déléguant un riche héritage d’écrits et de traductions. Dans cet article, comme pour les précédents, il s’agit donc avant tout de lui rendre hommage, de donner envie aux plus curieux d’explorer son œuvre en « subordonnant le désir de juger au devoir de comprendre » et aussi, pour qui le souhaite, d’enrichir le programme de ses lectures estivales.
L’itinéraire d’une chercheuse d’exception
Eva Mary Cécile Liliane Lamacque est née le 5 novembre 1909 à Boulogne-sur-Seine dans une famille catholique issue de la moyenne bourgeoisie. Elle adoptera le nom « de Vitray » et y associera celui de son époux « Meyrovitch », d’où le nom sous lequel elle est connue « de Vitray-Meyerovitch ». Bien qu’ayant reçu une éducation religieuse très poussée dès l’enfance, Eva de Vitray-Meyerovitch manifesta très vite sa curiosité et sa vivacité d’esprit. Ainsi, comme l’indique Jean Louis Girotto dans son avant-propos de l’ouvrage Universalité de l’Islam, dès l’adolescence « les questions se bousculaient dans son esprit. En quoi consiste l’acte d’apprendre ? Comment peut-on désirer connaître une chose dont nous ne possédons aucune idée préalable ? Pourquoi est-on attiré par cet Absolu qui nous dépasse infiniment ? ». Après sa licence de droit qu’elle réussit avec brio, elle entame d’abord une thèse de doctorat sur la thématique de « La symbolique chez Platon ». Comme l’indique Muriel Roiland, « tout au long de son parcours universitaire, Eva de Vitray réussit tout ce qu’elle entreprend mais elle est avant tout une travailleuse acharnée, dotée d’une curiosité insatiable ». Après la Seconde Guerre mondiale durant laquelle elle doit interrompre ses travaux, elle intègre le prestigieux CNRS en tant que directrice par intérim du pôle « Sciences humaines ».Durant cette période, elle découvre l’ouvrage Reconstruire la pensée religieuse de l’islam de Mohamed Iqbal (1877–1938). Si l’ouvrage marque un véritable bouleversement dans sa vie intellectuelle, elle est intriguée par les nombreuses évocations d’Iqbal au sujet de Djalâl ud-Dîn Rûmî (1207–1273). Dès lors, elle entreprend de sérieuses investigations au sujet de ce personnage dont la littérature francophone n’offrait que peu de ressources et décida d’abandonner son projet de thèse sur Platon pour se pencher sur cette figure majeure de l’islam au Moyen-Âge que fut Rumî. Elle achève ce travail en 1968 avec la publication de sa thèse sous le titre de Thèmes mystiques dans l’œuvre de Djalâl- ud-Dîn Rumî. Confrontée au manque de littérature française sur Rumî, elle apprend le persan en deux ans puis consacre une grande partie de son œuvre à la traduction et au commentaire de ce dernier.
Un cheminement intellectuel et spirituel
Son intérêt pour Rûmi ne marque pas pour autant pas rupture avec Platon mais plutôt la continuité d’une réflexion autour de la thématique de la « réminiscence ». Aussi, comme l’indique Jean Louis Girotto, « avec Rûmi, la dimension de l’Amour rejoint celle de la Connaissance dans un élan de générosité qui puise à la source de la Sagesse .
MR Keita