Serigne Cheikh Ahmed Tidiane SY Année 1959

Date Lieu Objet Thème Lien

 Gamou Tivaouane : 15 Septembre 1959

Année 1959 :Le congrès du parti PSS , de la fusillade de Tivaouane à l’Arrestation de Cheikh Ahmed Tidiane Sy 

Le congrès du parti PSS

Le congrès du parti PSS organisé les 7, 8 et 9 mai 1959 à Kaolack est l'occasion d'apporter des réponses aux questions que les gens se posent sur ce nouveau parti, mais aussi sur les accusations portées par les autres partis politiques du pays. Dans son discours d'ouverture, le directeur politique Ibrahima Seydou Ndaw définit le rôle que doit jouer le PSS: mener « une opposition constructive et vigoureuse », mobiliser tous les Sénégalais contre les « procédés dictatoriaux » du gouvernement et « barrer la route au fascisme ». Il demande aux congressistes d'élaborer un programme du parti qui doit tenir compte des réalités de la conjoncture politique, économique et sociale et d'éviter d'être entrainés dans des « théories fictives ». Pour ce qui est de l’orientation du parti, il s'en remet à la sagesse et au sens pratique des militants, non sans leur rappeler qu’ils vivent dans un monde d'interdépendance, que l'isolement serait une condamnation à mort, une entrave à tout épanouissement Il ajoute que du fait que la démocratie et la liberté sont menacées dans le pays et « face à un parti et à un gouvernement dont la propension à l'irrégularité et à la dictature » ne fait aucun doute, les seules garanties dont disposent les militants sont leur courage et leur esprit de sacrifice. lire la suite

La Résolution de politique générale adoptée par le congrès reprend certaines idées du Manifeste de février, condamne les pratiques de l'UPS et son accession au pouvoir par un « coup dEtat?19 », afirme sa fidélité à I’islam, à ses principes fondamentaux et à ses institutions et évoque le caractère sacré, inaliénable et imprescriptible de I'indépendance des peuples. La Résolution opte pour l'indépendance et adhère sans réserve à ia Communauté franco-africaine sur des bases loyales et sincères, humaines, égalitaires et fratemelles. Elle se déclare en faveur d'une consolidation de l'autonomie interne du Sénégal, dit être favorable à l’unité africaine, à la restauration des libertés démocratiques, au rétablissement de la légalité républicaine, à I'unité d'action de tous pour que l'Afrique et le Sénégal puissent entrer dans l'ère de l'émancipation et du bonheur.

Maitre Omar Diop, secrétaire général du PSS, répond aux « détracteurs » de son parti en proclamant solennellement et de manière univoque que le PSS est pour « I ‘émancipation sénégalaise sans être effrayé par la position des énergumènes sans dignité et sans aveu qui réclament l’indépendance immédiate sans oser y aller dans les actes ». II affirme que tout peuple aspire à l'indépendance et « condamne sans regret et sans retour le régime colonial qui a été un régime inhumain et injuste ». II analyse aussi les résultats des élections du 22 mars 1959. On note dans ce rapport plusieurs accusations de fraude, d'irrégularités et autres délits contre PUPS : des bureaux de vote sont ouverts à cinq heures du matin et fermés avant midi dans la région de Saint-Louis ; à Podor, l'adjoint au commandant de cercle est pointé du doigt pour avoir falsifié les procès-verbaux qu’il a centralisés à Aéré avant de les acheminer à la résidence du commandant ; dans le cercle de Louga, le responsable et candidat UPS «n'a pas hésité à pénétrer dans plusieurs bureaux de vote de l'escale de Louga et de la subdivision, pour ramasser tous les bulletins PSS et les brûler au vu et au su de tout le monde ». D'autres Irrégularités sont signalées dans certaines circonscriptions : par arrêté du 21 mars 1959, c'est-à-dire un jour avant le scrutin, plusieurs bureaux de vote sont supprimés et transférés ; la conséquence d'une telle mesure est que les électeurs, déboussolés, ont été dans I ‘incapacité de pouvoir retrouver leurs bureaux de vote. Dans le cercle de Podor où, selon le rapporteur, le PSS était majoritaire, le bureau de Ngouye est supprimé. Dans la subdivision de Mbour, les bureaux de Thiadiaye-dispensaire et de Diass sont supprimés ; à Kaolack, Bakel, Rufisque, les bureaux de I'immeuble Sy Papa Malick, Galladé et Sébikotane subissent le même sort que les autres. C'est pourquoi le PSS est convaincu que l'UPS, parti « minoritaire », a gagné ces élections par «la fraude et le chantage ». Par conséquent, c'est par des « élections préfabriquées » qu’il s'est maintenu au pouvoir.

Dans la Résolution sur l'orientation politique du part?2*, nous retenons deux dispositions : « le Congrès à I ’unanimité des délégations présentes, décide de contacter les leaders du RDA pour l'appartenance du PSS au mouvement RDA. Ensuite le PSS confirme sa volonté de demeurer au sein de la Communauté égalitaire et fraternelle, sans renoncer à l’indépendance. Le congrès reconduit Cheikh Tidiane Sy comme président, Ibrahima Seydou Ndaw comme directeur politique, Omar Diop comme secrétaire général, Abdoul Aziz Sy comme trésorier pour ne citer que ceux-là.

Après le congrès, le parti continue ses activités devenues très intenses. Le 14 mai, lors d'une réunion à Thiès regroupant plusieurs leaders du parti dans la maison du marabout El Hadji Cissé, en présence de Ndiaye Abdou Bayla, Ndiaye Babacar Rosy, El Hadj Sène, Tall Maury, Diop Lamine et Lô Cheikh, une proposition d'lbrahima Seydou d’inviter Houphouët Boigny à faire une visite de 48 heures au Sénégal a été approuvé. Mané Boubacar, un confident du président Ibrahima Seydou Ndaw quitte Dakar le 17 mai pour rejoindre à Abidjan Cheikh Tidiane Sy ; ce voyage « laisse apparaitre que les rumeurs concernant le ralliement du PSS au RDA, tendance Houphouët Boigny sont fondées ». Il semble que cette démarche ait suscité le mécontentement des militants. Le PSS, fidèle à son option pour « une unité dans l'action quotidienne », entreprend en fin juin 1959 des démarches pour une unité d'action à trois avec le PAl et le PRA-Sénégal, dans le but de défendre les libertés démocratiques. Le comité directeur du PAI ayant donné son accord lors d’une réunion chez Adama Wade à Grand-Dakar, on espère que les deux autres en feront de même.

Les émeutes de Tivaouane et les dissidences au sein du PSS

Plus d'un mois après le congrès de Kaolack éclatent ce qui est qualifié « d’émeutes de Tivaouane » La capitale du tidianisme connait régulièrement des manifestations religieuses, les gamous, grands rassemblements des talibés, prétextes aussi pour le marabout d'instruire, d'éduquer les talibés et de leur donner des consignes. Pour un marabout et président de parti, ces gamous étaient I'occasion de s'adresser aux talibés-militants dévoués au guide spirituel. Le 20 juin 1959, selon la version des autorités du pays, Serigne Pape Malick Sy, le frère de Cheikh Tidiane Sy, président du PSS, avait demandé une autorisation au chef de la subdivision pour sonoriser une séance de chants religieux. Ce dernier refuse, prétextant d'une part, l'implication de Cheikh Tidiane Sy dans des incidents survenus précédemment à Thiès et à Dakar, et d'autre part que Cheikh Tidiane aurait prononcé lors de ces séances de chants religieux des discours politiques et se serait lancé dans de « violentes diatribes contre le gouvernement en insultant même certains de ses membres ». Le marabout décide de passer outre cette interdiction. Les forces de l'ordre interviennent. Après leur passage, on dénombre deux morts et 32 blessés. Cheikh Tidiane est arrêté le dimanche 21 juin 1959 et incarcéré à la prison de Dakar à 21 h 30.

Les décisions prises après les émeutes révèlent la détermination des autorités : isolement de la ville de Tivaouane par un dispositif de sécurité, interdiction de circulation pour les voitures et le train, couvre-feu de 20 heures à 6 heures; au niveau national, toutes les manifestations sont interdites jusqu'à nouvel ordre : « toutes manifestations, meetings et réunions politiques ou à prétexte religieux (aras, gamous, etc.) avec ou sans cortèges et avec ou sans sonorisation730 ».

Devant la gravité des événements, Mamadou Dia, le président du Conseil, se rend à Thiès où il passe la nuit du samedi au dimanche; il est rejoint le dimanche matin par le ministre de l'Intérieur et le secrétaire d’état à l'Information. Dans sa déclaration, le président du Conseil ne laisse planer aucun doute sur la solution envisagée par le pouvoir en place : « le gouvernement est respectueux de la liberté de conscience et de la liberté individuelle, mais il ne saurait tolérer que des fauteurs de désordre en profitent pour organiser la rébellion et l'émeute73l », Son ministre de l’Intérieur lui emboite le pas en regrettant d'abord que le responsable de ces incidents graves soit un ancien camarade du parti. II explique ensuite la position du gouvernement en ces termes: «il arrive des moments dans la vie d'une nation, où des groupements de faits se créent, faisant mépris des impératifs les plus catégoriques édictés par les autorités légales, donnant à leur opposition un caractère ouvert, agressif et brutal32 ». Il pense qu'il revient au gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent, C’est-à-dire les sommer de disparaitre. Au cas contraire, la solution est de les « réduire à néant ou de leur céder la place33 ». Le ministre termine par des propos univoques qui reflètent la détermination des autorités à mettre un terme à ces événements. Pour le gouvernement du Sénégal, la phase qui consiste « à la mise à demeure » de ces mouvements est dépassée. Au stade où le pays est, les autorités se trouvent dans l'obligation « de dire à tous ceux qui, pour exprimer leur opposition, ont répudié publiquement les moyens légaux et choisi, sans équivoque, le désordre et l'anarchie : la cohabitation n'est plus possible, Cest vous ou Cest nous ». De la déclaration d'Emile Badiane, porte-parole du gouvernement à la radio, on retiendra aussi un discours ferme et solennel, la gravité des faits et ses conséquences. Pour les responsables de ces événements, le gouvernement « laisse à la justice le soin de les châtier en toute sérénité et en toute impartialité ». Quant aux citoyens, le gouvernement pense qu’il est de son devoir de les « avertir » et leur montrer qu’il est résolu « à faire respecter quelles que soient les circonstances la légalité et l'ordre républicain. Je le dis solennellement à tous ceux qui pourraient douter de cette résolution ou croire qu'une mythique intervention extérieure leur fera gagner la partie ». Ces déclarations du président du Conseil, de ses ministres de l'Intérieur et de l’information montrent le caractère autoritaire pour ne pas dire dictatorial du nouveau gouvernement avec des accents ouvertement bellicistiques qui font frissonner aujourd’hui.

Le gouvernement de Dia reçoit un soutien de taille de la part du Grand serigne de Dakar et chef suprême de la Collectivité léboue de la Presqu’ile du Cap-Vert. El Hadj Ibrahima Diop se félicite de la nouvelle réglementation du 1er juin sur la sonorisation des chants religieux et affirme la nécessité de « barrer la route aux politiciens qui veulent se servir de l'islam

Dans son journal Solidarité, le PSS s'érige contre la décision officielle et accuse le gouvernement du Sénégal d'avoir tout orchestré pour faire taire Cheikh Tidiane Sy. Désormais, l'emprisonnement du guide religieux devient la préoccupation principale des talibés. La question est, comment le faire libérer et quel sort pour le parti ? À ce sujet, le jeudi 25 juin 1959, de 20 h à 22 h 30, une réunion regroupant les membres du comité directeur en présence de Serigne Ousmane Kane, oncle de Cheikh Tidiane Sy, Abou Sarr Lala, Wade Moustapha, Mansour Sy Abdoul Aziz Sy, frères de Cheikh Tidiane, Elhadj Youssou Diop, transporteur, s'est tenue dans la maison du dernier cité. L'ordre du jour portant sur I ‘attitude à adopter est décliné en trois points : recourir à la violence, rallier l'UPS ou cesser toute activité en attendant la mise en liberté provisoire de leur leader.

Le 6 janvier 1960, Ibrahima Seydou est interpellé par Maurice Voisin738 qui explique que depuis son accident, il est coupé de la masse populaire et que ses nombreux hommes de main ne lui racontent pas toujours toute la vérité. II lui rappelle que c'est l’heure des rapprochements et lui demande de rejoindre le Parti de la Fédération africaine et le Mali reconnu par le général de Gaulle avant qu’il ne soit trop tard.

Plusieurs démarches sont entreprises pour la libération de Cheikh Tidiane. Le 14 janvier 1960, Paris-Dakar publie une déclaration du marabout Ibrahima Niasse qui dit avoir rencontré Mamadou Dia et Valdiodio Ndiaye et négocié les conditions et les modalités d'une liberté provisoire en faveur de Cheikh Tidiane ; après cette rencontre, Ibrahima Niasse rend visite à Cheikh avec qui il a eu une longue conversation sur la situation du Sénégal et du Mali. D'ailleurs, le titre de l'article, très révélateur, ne laisse aucun doute sur leur intention : « Cheikh Tidiane et Ibrahima Niasse se rallient au Gouvernement sénégalais?39 ». Ensuite une déclaration des deux marabouts insérée dans le journal confirme que les deux chefs religieux et leurs talibés sont décidés à apporter leur soutien à l'action du gouvernement du Sénégal et qu'ils prêcheront « partout l’union dans la fraternité retrouvée », Un troisième communiqué du journal, en italique, en bas du texte de la déclaration explique que dès le 2 janvier, ce ralliement était prévisible après la réunion tenue à Kaolack par le PSS et les résolutions qui y ont été prises; il s'agit, ajoute l'insertion, d'une « amorce de rapprochement entre tous les partis politiques » et e ralliement réjouira tous ceux qui souhaitaient qu'un Sénégal uni et fort affronte les lourdes charges de I'indépendance qui attendent le Mali dans les meilleures conditions avec les plus grandes chances de succès.

Ce même 14 janvier dans la matinée, cette information est accueillie favorablement par la population qui y voit le début d'une réconciliation nationale. A 14 heures, le bruit d'un démenti de Cheikh Tidiane circule dans la ville, alors les membres du bureau et de la section de Dakar se rendent à la prison pour être édifiés. Nous avons une copie de cette mise au point faisant office de démenti:

La Radio et le Paris-Dakar m'ont annoncé une décision qui aurait été faite par El Hadji Ibrahima Niasse et moi, alors que ni lui ni moi (n'avons) participé à la rédaction de ce texte. Celui-ci a été entièrement élaboré par de hautes personnalités UPS animées du seul désir de semer la confusion dans les esprits et de créer un incident entre El Hadji Ibrahima Niasse et moi. Du fond de la prison, si je cautionne la politique du gouvernement, ce serait d'une façon indirecte de me déjuger et donner raison à mes adversaires. La réalité est qu’El Hadji Ibrahima Niasse a été convoqué à Dakar par M. Mamadou Dia, pour discuter avec lui des conditions et des modalités de ma mise en liberté provisoire. El Hadji Ibrahima Niasse m'a relaté le déroulement des conversations... C'est pourquoi j'estime que la déclaration incriminée doit être considérée comme nulle et non avenue, du moins en ce qui me concerne. Etant sous mandat de dépôt, il est impensable que je rallie l'UPS. Mon honneur et ma dignité ne doivent même pas être monnayés au prix d'une liberté provisoire que l'on n'ose même pas nommer. Toutes ces manœuvres prouvent encore une fois de plus que ma détention est une affaire purement politique. J'espère qu’EI Hadji Ibrahima Niasse saura déjouer la manœuvre de ceux qui n'ont même pas eu la loyauté de respecter l'esprit et la lettre des entrevues qui viennent de se dérouler.

Cheikh Tidiane Sy, détenu à la prison civile de Dakar

 

 Cheikh Tidiane est libéré le 14 janvier 1960. Cependant, des divisions éclatent au grand jour dans le PSS. L'avocat Seck Moustapha ne cache plus son intention de rejoindre P'UPS.

 

Tab.12. Structure du Parti de la solidarité sénégalaise.

Comité directeur

Directeur politique : Ibrahima Seydou Ndaw

DP. Adjoint : El Hadj Assane Sarr, Inspecteur des Contributions à la retraite

Secrétaire du comité : Diouf Ismaila, Commis des SAEF

Présidents de la Commission des conflits : El Hadj Babacar Niasse dit Serigne Mbaye Niasse

Bureau politique

Directeur politique : Ibrahima Seydou Ndaw, Maire de Kaolack

Président: Cheikh Ahmed Tidiane Sy, chef religieux.

Secrétaire général : Omar Diop, Avocat-Défenseur 

Adjoints : Tall Maury, Instituteur Mohamedou Moustapha Seck Avocat Défenseur; Fall Ibrahima Instituteur

Secrétaire Administratif: Ndiaye Babacar Contrôleur des PTT

Adjoint : El Hadj Souleymane Kane, Comptable

Secrétaire aux Relations Extérieures. : Charles Graziani, industriel; Wade Amadou Moustapha, licencié en droit ; Mané Babacar, agriculteur

Secrétaire à l'Organisation : Ndiaye Abdoul Bayla, agent d'Affaires

Adjoints : Bitèye Ibrahima instituteur Wane Yaya

Secrétaire à la Jeunesse: : Assane Mbengue, Direct. Adm. Ecole privée

Adjoint: Cheikh Sadibou Diop, Commis SAEF

Secrétaire à la Presse : Camara Boubacar, Chef comptable

Trésorier général : Sy Abdoul Aziz Sy, fils de Marabout

Adjoint : El Hadj Ndaw Oumar :

 

Membres du Comité directeur

Dakar : El Hadj Assane Diop, Idrissa Ndiaye

Thiès : Ndiaye El Hadj Malick, Dièye Bicry

Kaolack: Ba Babacar, Bès Gilbert

Saint-Louis : El Hadj Madior Cissé Tidiane Diop

Podor : Niang Daouda

Matam : Ndiaye Abdoulaye Yérim

Tamba : Diallo Moussa

Kédougou: Sidibé Youssouph

Bakel : Ndiaye Vaoundé

Diourbel : Abou Sarr Lala, Ciré Dieng

Louga: El Hadj Amadou Moctar Ndiaye, Serigne Assane Ndiaye

Linguère : Ali Saleh

Ziguinchor: Daouda Seydi, Cheikh Mané.

 

 

Source: Solidarité. Organe du PSS n° 2, lundi 1er juin 1959.

 

  Fusillade de Tivaouane 1959

Quelques semaines après les législatives, Pape Malick Sy décide, comme à son habitude, d’organiser une manifestation religieuse le lendemain de la Tabaski. Curieusement, pour cette édition de 1959, une autre manifestation fut programmée par une faction de Tivaouane à la même période… Si cela ne fut une provocation, c’en avait tout l’air. Pour éviter tout désagrément ou malentendu que pourrait occasionner la célébration de deux gamou en même temps, Pape Malick Sy eut la sagesse de reporter le sien jusqu’au samedi 20 juin 1959. Il n’a d’ailleurs pas manqué d’en demander l’autorisation auprès de l’administration territoriale .Malheureusement, cette bonne volonté de Pape Malick n’aura empêché les autorités administratives de tout faire pour que la cérémonie n’ait pas lieu.

Craignaient-ils le franc-parler d’un adversaire politique ? Avaient-ils peur d’être dénoncés publiquement ? En tout état de cause, eu égard à ce qui s’est passé lors des dernières élections, Serigne Cheikh était devenu un adversaire politique particulièrement encombrant, voire un ennemi à abattre. Ainsi les autorités ont-elles attendu le jour J, pour interdire formellement toute manifestation religieuse à Tivaouane et donnèrent des instructions pour la destruction de toutes les installations prévues à cet effet. Les forces de police et autres gardes territoriaux s’exécutèrent «à coeur joie». La situation aurait été plus ou moins acceptable si les forces publiques se limitaient juste à détruire des bâches, mais tel ne fut le cas. Dès que Serigne Cheikh se présenta pour s’enquérir de la situation, un commissaire nommé Djibril Ndiaye s’écria « Voilà le Marabout » et l’ordre fut donnée « Feu ! ». Alors, le doute n’était plus, c’est un adversaire politique que le pouvoir voulait liquider physiquement. Ils n’ont pu liquider leur adversaire politique, mais le bilan fut très lourd.
Selon le numéro spécial du journal « Solidarité » du 25 juin 1959 :« Parmi les talibés 2 morts (Youssou Diop, Boulanger et Cissé Souleymane manoeuvrent aux grand travaux de l’Est) 27 blessés, 5 maisons incendiées .Parmi les gardes territoriaux, 1 blessé grave, 14 blessés légers »au lendemain des évènements, le dimanche 21 juin vers 18 heures, Serigne Cheikh fut inculpé et placé sous mandat de dépôt. Quelque temps après, Majmouth Diop du PAI le rejoint en prison… C’est dire que la démocratie qui était prise en otage. Majmouth était obligé de s’exiler après avoir purgé sa peine. Il en est de même pour beaucoup de militants du PAI…
Serigne Cheikh fut libéré un peu moins de sept mois après son arrestation. 

Rate this item
(0 votes)
Last modified on dimanche, 04 août 2024 16:57
© 2018 lazawiya. Designed By MediaFusion