Son action publique à la fois désirée et redoutée selon le camp où l’on trouve par rapport à cette action, fait aussi de ce grand chef religieux une attraction majeure. A cela s’ajoute sa réputation de pensée indépendante et d’homme de principes qui a pris congé d’une société où la lâcheté est devenue une loi sociale.

 Dans ce jeu de masques où tout n’est que transgression, dans ce théâtre de fausses valeurs, celui qui traîne un passif culturel, moral, social ou politique, celui qui veut prendre une revanche sur l’histoire, celui qui était destiné à l’écurie ou à la voirie et qui ose prétendre aux armoiries, tous ceux-là ont élevé la haine et la cruauté, le mensonge et la trahison au rang des Beaux – Arts. Face à cette triste réalité, Cheikh Ahmed Tidiane a opté pour le parti du poète : « MON ESPRIT, ELEVE-TOI VERS LES HAUTEURS ET VA TE PURIFIER LOIN DE CES MIASMES NAUSEABONDES ! ».

 Vivant intensément sa foi en solitaire et oeuvrant sans tapage pour la postérité, Cheikh Ahmed Tidiane Sy inquiète les ordres. Alors, par tous les moyens, l’on cherche à le discréditer. Puérile et vaine tentative. Comme l’un de ses illustres saints devanciers dans sa vocation de sérénité et d’altitude, Cheikh Ahmed Tidiane Sy se trouve en effet « au-delà des sept océans » bien avant que ceux qui cherchent à l’écorcher n’aient songé à fabriquer leur diabolique embarcation, voguant sur les eaux boueuse de leur cannibalisme dont ils seront les seules victimes.

Fils de Seydina Ababacar Sy – qui fut pendant 35 ans (1922 – 1957) le premier Khalife de Seydi El Hadj Malick Sy et Pôle incontesté de son époque – Cheikh Ahmed Tidiane Sy par ses lignées paternelles et maternelles est un produit de valeurs spirituelles et de sainteté. Sa mère, Sokhna Astou Kane dont la renommée de science, de piété et de sainteté avait dépassé Kaolack, sa ville et les frontières de la grande Sénégambie. Par elle également, Cheikh Ahmed Tidiane Sy est descendant de l’Emir du Rip, Maba Diakhou Bâ. Tout ce faisceau de lumières assure à Cheikh Ahmed Tidiane Sy un héritage de référence et d’exemplarités.

Eduqué dans la logique et les exigences de ses origines, il fit de brillantes études sous la férule de son père et les préceptes du collège des Ulémas de l’Université de Tivaouane. Bel esprit par son génie et ses dons exceptionnels, il fit frémir d’admiration les sérieux docteurs d’Al Azhar. Juriste, Théologien, Poète, Auteur Panégyriste du Prophète, Homme de Lettres et éminent Conférencier, Cheikh Ahmed Tidiane Sy est également connu pour ses lettres de noblesse dans la Philosophie de l’Histoire. Sa psychologie des foules, son sens de la pédagogie et sa démarche culturelle font de lui un irrésistible communicateur et un éducateur émérite. 

Parlant correctement l’anglais, il maîtrise parfaitement l’arabe et le français. Sa rhétorique et sa dialectique dans ces deux dernières langues ont déjà amené plusieurs chercheurs orientaux et occidentaux à s’intéresser à lui. Homme de son peuple dans ses valeurs et de son époque dans ses vertus, Cheikh Ahmed Tidiane Sy est aussi l’homme du refus qui fut par deux embastillé pour délit d’opinion. C’était dans les années ardentes où il fonda le parti de la Solidarité Sénégalaise (PSS) qui fit vaciller l’UPS dans les élections législatives des années 60.

A cette époque là, de sa geôle, il écrivit des vérités crues au Général De Gaule et à Modibo Keïta alors Chef du Gouvernement de l’ex Fédération du Mali. Diplomate, Khroutchev et Nasser étaient parmi ses interlocuteurs.

Incarnation agissante de nos valeurs fondamentales, Cheikh Ahmed Tidiane Sy laisse partout où il passe l’image reluisante de la grandeur et de la générosité.

Indifférent à la popularité, situé au dessus des mirages et des artifices d’un monde à la dimension des infirmes, il continue de siéger dans des centaines de milliers de cœurs qui le vénèrent et de régner sur des esprits ennemis qui le craignent. De sa retraite utile, il éclaire et fait espérer les honnêtes gens qui récusent la mauvaise conscience qu’on tente de leur imposer.

Ahmed Bachir KOUNTA

Article du journal Vision du 15 février 1993